Enseigner l’Histoire de France à l’école

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Depuis quelques temps, je fais ce qu’on appelle de la « remediation scolaire » (sans accent), c’est-à-dire, plus simplement, du soutien scolaire ou de l’aide aux devoirs. Avec mon Bac+6, je peux y prétendre sans crainte d’escroquer les parents d’élèves. Je reçois donc chez moi des enfants de tout niveau, qui ont des attentes différentes. C’est un travail très gratifiant, que j’aime beaucoup ; les résultats sont tangibles ; bref, tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes.

Enfin, pas tout à fait… En réalité, je suis proprement navrée par la teneur des programmes scolaires, en particulier au niveau primaire. Et par les conséquences que cela engendre, et que cela va générer dans un proche avenir. Je passe sur les mathématiques : n’étant pas une « matheuse », je ne peux pas vraiment porter un jugement sur ce qui est enseigné. Je ne peux tout de même laisser de m’étonner que la division ne soit abordée qu’en CM1, par exemple, et qu’on n’ait jamais demandé aux élèves de « faire une preuve » ou qu’ils ne sachent pas ce qu’est une règle de 3. Ma grand-mère, ancienne institutrice, en serait consternée… Passons également sur le français, parce que j’en aurais tellement à dire qu’il me faudrait rédiger un autre article d’au moins cinq pages !

C’est de l’enseignement de l’Histoire que j’aimerais parler aujourd’hui. Avez-vous déjà parcouru les grandes lignes des orientations pédagogiques imposées aux instituteurs ? (Sur Internet, on a accès au Bulletin Officiel : tout y est) Avez-vous déjà comparé des manuels d’histoire un peu anciens (désuets, vraiment ?) à des livres scolaires actuels ? La différence est tangible et le problème de fond saute aux yeux ; cependant je vais illustrer cela de manière concrète.

L’un de mes élèves est en CM2, mais je le suis depuis le CM1. Dans sa petite école de village, les instituteurs s’arrangent entre eux, et c’est l’une des maîtresses qui assure l’enseignement de l’Histoire pour les élèves du CE2 au CM2. Voici ce que cela donne :

CE2 : le Moyen-Age – les Romains – et un peu l’Egypte aussi

CM1 : une mini-leçon sur la première guerre mondiale – la Préhistoire – euh, et c’est tout parce qu’on n’a pas le temps

CM2 : Louis XIV et Versailles et le pouvoir absolu (c’était mal, abusif, et tout et tout) – la Révolution française (les pauvres paysans ont coupé la tête du roi et de plein de vilains aristocrates qui étaient trop méchants) – et un peu de Napoléon, si l’on a de la chance.

Le contenu du paragraphe sur la Première guerre mondiale (il fallait bien l’évoquer, à cause du centenaire), c’était en gros : « il y a eu l’attentat de Sarajevo, qui a déclenché la guerre ; sur le front, les poilus vivaient dans des conditions effroyables ; à l’arrière, beaucoup de femmes ont remplacé les hommes dans les usines ; on a signé l’armistice le 11 novembre 1918, puis on a construit partout des monuments aux morts ». Lorsqu’un enfant de 10 ans me confie : « Tu sais, j’aime pas trop l’Histoire parce que je n’y comprends rien », je ne peux pas le blâmer !

Les conséquences d’un enseignement déstructuré, incohérent, sans aucune logique chronologique, bourré de raccourcis si simplistes que le fait historique en est faussé, les conséquences, disais-je, pourraient se résumer en trois points.

  • Disparition de la notion de l’Etat, de peuple, de destin commun, donc du sens civique, de sens de la collectivité. La France, le peuple français ? Oui, bof, connais pas… Se battre pour défendre son pays ? Pourquoi faire… Les cultures traditionnelles et folkloriques développées dans chaque coin du pays ? C’est nul ; ouvrons-nous plutôt aux autres cultures et allons à notre cour de zumba. L’unité nationale ? Pouah, quelle horreur, faut pas parler de ça, c’est pour les « fachos »…
  • Désintérêt pour le patrimoine architectural ; à moins qu’on puisse s’y amuser, que ce soit ludique ! Versailles-Disneyland, ça passe, mais la splendide église romane du village voisin peut être rasée, quelle importance, c’était vieux, inutile et ça tombait en ruines. Une visite des châteaux de la Loire ? Oui s’il y a des ANIMATIONS ; oui si les enfants sont occupés et s’il y a une boutique à la fin du parcours pour ACHETER des choses. Par contre, rattacher ce splendide patrimoine à l’Histoire de France, aux Valois, aux rois… c’est autre chose.
  • Impossibilité de s’intéresser à d’autres formes culturelles ; par exemple la littérature. Comment lire Zola si on n’a pas un minimum de connaissances sur le Second Empire ? Et si la Restauration ne nous évoque rien non plus, alors, Balzac… Comment vraiment apprécier Molière ou Scarron si l’on ne connaît rien du XVII° siècle (ou juste quelques poncifs) ? Voltaire et Diderot, on voit à peu près qui c’est, et quelles étaient leurs grandes idées ; mais Olympe de Gouge ? Que défendait cette femme ? Quant à Marie-Antoinette, au pire on regarde le film de Mme Coppola, au mieux on lit une biographie écrite par une Américaine. Mais qui lira les Mémoire de Madame Campan, pas toujours objectives, mais si vivantes, et écrites dans un si beau français ?

La mort programmée de la conscience nationale, de la culture française, c’est, entre autres, dans les écoles primaires que cela se passe ! Si vous êtes parents, achetez des manuels scolaires à vos enfants, révisez avec eux votre Histoire de France, emmenez-les visiter des châteaux et des églises et des cathédrales, donnez-leur à lire des « Classiques »… Si vous ne le faites pas, soyez assuré que l’école ne le fera pas à votre place ! Et si vous-même n’êtes pas particulièrement intéressés par la littérature, l’Histoire ou le patrimoine (et l’on ne saurait vous en blâmer ; chacun a ses propres centres d’intérêt), il n’y aura aucun moyen pour votre enfant d’être éveillé à ces sujets, et d’avoir la possibilité de devenir historien, professeur de lettres classiques, ou bien tout simplement « honnête homme », comme on disait du temps de Molière ! On peut parler « d’inégalités sociales qui se creusent », mais cela va bien au-delà, en réalité.

 

 

Une réflexion au sujet de « Enseigner l’Histoire de France à l’école »

    Les Manants du Roi « Le Fanal bleu a dit:
    24 octobre 2020 à 15 h 38 min

    […] J’avais vingt ans environs, je venais de passer deux ans en classes préparatoire, et bien que « La France du XIXe siècle, 1815-1814 » eût fait partie du programme d’étude, je découvris alors… tout simplement une AUTRE histoire de France ! Ah, je savais tout sur les différentes révolutions et autres révoltes (parisiennes, souvent) qui émaillèrent ce siècle, sur les aléas économiques, sur le cheminement de la pensée républicaine (et donc franc-maçonne, comme je l’ai compris plus tard), enfin bref… Mais ce qu’évoque Jean de La Varende dans cet ouvrage, c’est-à-dire la survivance d’une profonde fidélité à la cause royaliste, le souvenir de la chouannerie si bien ancré au coeur du peuple normand, breton et vendéen, les personnages comme la duchesse d’Angoulème… Point ! On eût dit que l’Education nationale considérait ces faits d’histoire comme inintéressants et insignifiants. (En réalité, je sais bien ce qu’il est – cf cet article). […]

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